jackguitar

la guitare éclectrique de Jacques Vannet

Jack a dit...

Sax ou Platon ?

À quoi bon fréquenter Platon quand un saxophone peut aussi bien nous faire entrevoir un autre monde.

E. M. Cioran (1952). Syllogisme de l'amertume

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Qu’est-ce qu’une bonne chanson ?

Rythme

Le rythme étant la succession des instants et la combinaison des durées à l'intérieur de ceux-ci, une écoute superficielle de cette chanson pourrait laisser croire qu'il n'y a ici aucun matériau rythmique digne de considération. Or, dès l'introduction, les trois croches de l'anacrouse nous font hésiter entre un placement sur le temps ou à contre-temps ; ambiguité rapidement levée par l'entrée de la batterie.
Autre point intéressant : les deux triolets noires à l'avant-dernière mesure du morceau qui donnent un effet de ralenti avant la cadence finale.

Arrangement

On pourrait penser que John est le chanteur principal ici parce que c'est lui qui chante la "vraie" mélodie, tandis que Paul est déléguée à chanter en harmonie au-dessus de lui, mais en fait il n'y a pas vraiment de voix principale dans cette chanson, c'est-à-dire qu'ils chantent en duo pratiquement tout le temps, quoiqu'avec de fréquents allers-retours entre le chant à l'unisson et le style de contrepoint vocal bien à eux, à grands renforts de quartes et quintes ouvertes, au lieu des traditionnelles tierces et sixtes. Ce sryle de chant à 2 voix d'intensité égale me semble assez novateur pour l'époque (le sommet dans le genre sera atteint avec Day Tripper).

En plus des hand-claps, Paul joue quelques double-notes (doubles-stops) à la basse, Ringo exécute quelques remplissages bien à lui entre les deuxième et troisième phrase de chaque couplet, et le plus subtil de tous, George crée un certain nombre de remplissages de guitare que vous ne remarquez presque pas, mais qui vous enchanteront à chaque nouvelle écoute de cet enregistrement.

Dernière chose remarquable : la mélodie est chantée à deux voix d'égale intensité. Avec les Beatles, on assiste à la montée en puissance des chœurs qui vont devenir des voix à part entière (le meilleur exemple à cet égard me semble être Day Tripper où les deux voix principales sont difficles à séparer).

Conclusion

Une bonne chanson c'est une mélodie aisément mémorisable, tant au niveau musical qu'à celui des paroles. Pour reprendre une expression de Schoënberg, "elle doit surprendre le public avec ce qu'il attend", c'est-à-dire qu'elle doit procurer rapidement un sentiment de familiarité, de connu, tout en laissant la place à des innovations savamment dosées, qui deviendront la signature de ce morceau particulier, le distingant de tous les autres, auxquels il ne peut manquer de ressembler, ce qui est le propre du style.

La mélodie ne doit pas seulement être belle pour elle-même, mais aussi servir le texte, et en particulier, illustrer le rapport intérieur/extérieur du discours, les accords (l'harmonie) participant aussi, bien sûr, à ce principe.

Voilà, à mon sens, ce qu'est une bonne chanson. Une belle chanson, c'est autre chose…

Quand je parle d'une bonne chanson, c'est surtout d'un point de vue formel, une chanson répondant aux critères énoncés ci-dessus. On peut ne pas aimer les chansons des Beatles, mais on ne peut ignorer que ce sont de bonnes chansons !

Les belles chansons, chacun les siennes, pour des raisons bien différentes d'ailleurs, un souvenir, la mode, les copains, la famille, les madeleines… Pour moi, la notion de beauté1 est une quête de l'absolu – un but ultime vers lequel on tend. Ce but va se canaliser à travers différentes sensations liées à des expériences personnelles, d'où la difficulté de trancher et d'arbitrer dans ces débats récurrents sur les goûts et les couleurs…

D'ailleurs, les deux qualificatifs ne sont pas antinomiques, et une belle chanson peut aussi être une bonne chanson (vous voulez encore des exemples ?).

A vous les chœurs pour les commentaires ;-)

Jack

Références bibliographiques : Notes on "I Want To Hold Your Hand"

6 Responses

  1. Bonjour,

    enfin une analyse interessante sur une chanson des Beatles ; une "vraie" analyse en profondeur émanant d'un musicien ayant une culture classique

    additionnée d'une culture "pop" ; un vrai décortiquage de la chanson avec des explications techniques ce qui est assez rare .

    Je vous laisse un lien d'un blog en cours d'élaboration ou je parle moi aussi des Beatles dans la rubrique mes compos, si vous avez quelques instants à y consacrer . musique-agora mes compos

    Je pense que l'essentiel du génie des Beatles est de ne pas être passé par un "moule" académique, par le fait de ne pas connaître le solfège et tout ce qui va avec c'est à dire le matraquage d'une musique tonale marqué par la musique classique Ils sont revenus à l'essence même de la musique, c'est à dire le naturel comme les chansons populaires anciennes ; sans le carcan de la mesure, des rythmes des tonalités et des règles d'harmonie . En cela, ils ont été aidé par l'apparition du jazz qui a fait volé en éclat tout cet académisme et ils ont su assimilé toutes les nouveautés apportées par le jazz et données dans le rock .Puis les heures passées de 1956 à 1962 notamment) à jouer des mélodies populaires de toutes sortes dans des caves enfumées (Chansons à danser, chansons de jazz, de comédies musicales de blues, de rocks ….) ont germées dans le cerveau de 2 mélodistes de génie qui ont révolutionner la musique de la fin du XXème siècle

    Voilà, Il y aurait encore beaucoup à dire sur les Beatles …. J'ai commencé sur mon blog

    Bravo pour votre site très interessant

                                   Jeff Piano

    le naturel, la mélodie qui coule de source

    1. Merci Jeff,

      Que dire de plus ? Nous aimons les Beatles tous les deux manifestement ;-) J’irai regarder votre blog à l’occasion. A suivre.

      Musicalement vôtre

      Jack

  2. « D’après certains auteurs, ce serait même la première chanson de l’histoire à employer le tutoiement… » Ah bon ? « Au clair de la lune, mon ami Pierrot, prête-moi ta plume pour écrire un mot », c’est un peu avant les Beatles, non ? :-) Mais c’est un détail, et en tout cas merci pour ces articles bien intéressants et formateurs !

    1. Bonjour Louis,

      Si « tu » regardes bien, l’auteur tutoie Pierrot, tandis que les Beatles tutoient… qui ?

      Merci à toi

      Jack

    1. Merci de ton retour sur mes différents posts. Malheureusement, je n’ai plus guère le temps d’en écrire de nouveaux, alors que j’ai de la matière…

      Salutations guitaristiques

      Jack

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