« La musique, langage universel parce qu'elle est le langage de tout l'homme.
Langue universelle, mais il y a toutes sortes d'accents ; et l'accent qui rebute, ou celui qui n'est pas compris, nous éloigne de cet esprit ou de ce cœur universels dont le musicien est l'interprète. A tout instant, la grande musique nous rend le tout de l'homme, pensé et sentiment, art et nature. De l'espace elle fait du temps ; et du temps elle fait de la conscience. La grande musique est l'art du total vivant. La musique parfaite serait une parfaite transmutation de la matière en esprit, et non pas dans l'abstrait, dans le sensible. Par où noius en voulons tant à la mauvaise musique et à la moindre : elle nous invite à la somme désirée, et nous en sépare au moment où nous croyons l'atteindre. Une déception si passionnée nous est trop cruelle. Nous allons tenir l'objet d'un désir où toute la vie nous semble incluse, et il s'évanouit en flocons de poussière et de vaine durée. La déception musicale est pareille à la déception amoureuse. On est déçu par la musique comme par l'amour, si on n'est pas comblé. »
André Suarès, Sur la musique, Actes Sud, 2013, p.39