jackguitar

la guitare éclectrique de Jacques Vannet

Jack a dit...

Écoute le monde !

Le savoir occidental tente, depuis vingt-cinq siècles, de voir le monde. Il n'a pas compris que le monde ne se regarde pas, qu'il s'entend. Il ne se lit pas, il s'écoute.

Jacques Attali (1986). Bruits , Le Livre de poche

Improvisation

réflexions sur l’improvisation

Cet article présente quelques-unes de mes réflexions à propos de l’improvisation, notamment jazz, mais qui peuvent être mises à profit dans tous les styles…
Ce n’est pas un article bien construit car il m’est difficile de rassembler toutes les idées qui me viennent à ce propos. Disons que c’est plutôt un ensemble de réflexions et de problèmes ainsi que quelques pistes de travail.

Improviser ?

Le musicien débutant aborde souvent l’impro à travers l’improvisation harmonique : la fameuse grille !
Le débutant est alors totalement absorbé à « passer » les accords correctement et y consacre toute son énergie ! Toute l’impro est centrée sur la trame harmonique (aspect vertical de la musique) alors que la construction d’un récit musical passe par une vision globale de la mélodie (avant – maintenant – après)

La maîtrise de l’impro ne coïncide pas forcément avec celle de l’harmonie car les doigts vont plus vite que la pensée… On assiste alors à une succession de plans, licks, gimmicks, patterns etc…

Pièges ?

L’expérience du temps qui passe doit se faire par l’oreille et la mémoire (il faut se représenter mentalement la structure harmonique). En écrivant les accords sur le papier, on vide l’impro de son contenu ! Un accord de Dm7 devient abstrait et peut être joué sur n’importe quel thème ! Il déclenche automatiquement des clichés appris par coeur !

Un autre piège est la « mélodisation » de l’harmonie : on cherche les notes cibles, les arpèges, les tensions… Cette phase est indispensable mais doit être réservée au travail à la maison et non pas au jeu avec d’autres musiciens.

Solutions ?

En improvisation, il ne suffit pas d’illustrer une progression harmonique, mais de construire un récit. La focalisation sur l’aspect vertical de la musique (harmonie) fait négliger le caractère profond de la mélodie et de ses rapports avec l’harmonie.

Le récit est plus important que la justesse du traitement des accords (défaut encouragé par les méthodes, les écoles de jazz, les vidéos pédagogiques (démagogiques?)…)

La grille d’accords doit être simple !

La perception du temps se fait à différents niveaux tandis que la grille n’en retient que 2 : le découpage en mesures et en goupes de mesures !

Les éléments négligés sont

  • la ligne mélodique
  • le swing
  • le groove
  • le tempo
  • le timbre
  • l’articulation, le phrasé
  • la mise en place rythmique
  • le feeling
  • l’intensité
  • le hasard
  • les couleurs
  • les effets
  • l’émotion
  • la folie
  • le chaos

La grille ne représente qu’un cycle (12 mesures de blues) alors que l’improvisateur doit articuler un récit qui a sa logique et sa cohérence comme un tout : c’est un discours musical.
Ce récit doit atteindre un climax qui sera le point culminant de l’impro : ce point peut être situé à différents moments dans l’impro. En général, il est plutôt vers la fin mais rien ne vous empêche de le placer au milieu ou au début… Encore faut-il avoir une vision globale de son impro…

Construction du récit musical

Improviser, composer, c’est raconter une histoire, tenir en haleine l’auditeur comme dans les bons films ou les bons romans policiers.

  • Il faut éviter le bavardage inutile, les clichés…
  • Les plans doivent être mis au service d’une idée musicale.
  • Il faut trouver et garder UNE idée musicale forte !
  • Il faut avoir une vision du centre et de la périphérie (les choses essentielles et celles qui sont accessoires)
  • Tenir un fil conducteur
  • Tirer parti de ce qu’on sait faire !
  • Jouer avec soi et non contre soi ! (éviter de se lamenter sur ce qu’on ne connaît pas : on vient vous écouter pour ce que vous savez faire)
  • Prendre en compte la durée totale de l’impro (combien de cycles ? au début, fixer un nombre de cycles à l’avance et s’y tenir !!!)
  • Donner une forme structurée à l’impro basée sur tension/détente : début -> montée -> climax -> détente -> conclusion
  • Climax : chosir la note la plus haute (et ne pas la dépasser!) ou le moment le plus tendu (rythmiquement, harmoniquement)
  • L’intro de votre impro conditionne en grande partie son développement. Il faut savoir l’accepter parce que une fois que c’est parti… c’est parti, pour le meilleur et pour le pire ;-)

17 réponses

  1. je viens chercher des infos sur le net car mon prof bien que satisfait de mes problemes techniques me demande encore et encore de me lacher sur les blues qu on fait en cours ..le coté  » se lacher sur la penta  » me fait prendre l exercice un peu a la legere..je crois que se lacher en impro veut dire se concentrer sur l accompagnement et lacher ce qu on ressent au coeur de celui ci..

    1. Bonjour Olivier,

      Pardon pour ma réponse tardive mais je n’avais pas vu passer votre mail… A vous lire, je pense que votre prof trouve votre jeu un peu scolaire encore. Vous jouez trop sur les gammes penta, je pense.
      La seule solution, c’est de chanter vos impros et de les retranscrire en temps réel sur votre instrument. Avec la voix humaine, on dispose d’une liberté incroyable ;-)
      Ne laissez pas vos doigts jouer seuls et vous entraîner sur des doigtés et des plans mémorisés et »recrachés » par cœur !

      Bon courage

      Jack

    2. Il y a plein de chemins à prendre pour l’improvisation ( blues , jazz..)qui se concrétisent par des choix divers : plans, gammes, arpèges, intervalles…

      Quand j’ai commencé la guitare les plus expérimentés que moi me disaient:

      « Tu a appris la pentatonique avec deux ou trois exercices ou des plans que tu as copiés He bien essaie de trouver tes propres plans et triture la gamme dans tous les sens »  » Pas de secret ou de gens plus doués, il faut jouer beaucoup »

      je ne sais pas ce que ton prof t’a appris mais en blues on peut tout jouer, pas seulement la pentatonique. On peut placer des arpèges qui amènent des intervalles et vont casser la monotonie de la gamme penta, on peut jouer la penta par intervalles etc….

  2. Bonjour,
    Excellent site que j’ai en favoris depuis longtemps
    je l’ai consulté il y a 3 ans quand j’ai repris la guitare
    Basculer dans la pratique de l’impro,, au sens vertigineux du mot,n’a pas été aisé mais salvateur.Ce qui retient c’est la peur de mal faire souvent,mais la récompense est au bout de l’envie et du travail,tous les jours si possible,une bonne petite 1/2 heure.
    jean-pierre dit dj woo

  3. Bonjour,
    Ce qui défini, selon moi, l’improvisation c’est la capacité que chaque individu a à prendre conscience de son chant intérieur. En fait il faut dédramatiser l’acte d’improviser, car il y a une vertu d’auto-psychanalyse dans le verbe de l’improvisation, source d’inquiétude. L’improvisation réelle (celle qui ne fait plus appel au geste technique conscient) est la mise en extérieur de sa psyché, Jung explique ça mieux que moi et je conseille la lecture de « Aïon, la phénoménologie du soi » de Carl Gustav Jung. La meilleure image que j’emploie pour expliquer ce que je ressens quand j’improvise c’est de s’oublier en tant qu’instrumentiste, d’ouvrir les canaux de son écoute profonde et de se laisser devenir partie intégrante de l’instrument, se mettre en situation de « lâcher-prise ». Quand ça fonctionne, il se produit une distorsion de l’espace et donc du temps dans laquelle l’instrumentiste entends ce qu’il vient de jouer, applique ce qu’il est en train de jouer, et pressent ce qu’il va jouer. C’est une « vision » un peu schizophrénique du phénomène, mais il y a une scission du réel. Observateur, observé et acteur…
    En conclusion : Improviser, c’est comprendre sa capacité à ordonner des plausibles en faisant abstraction des possibles. Les plausibles étant du domaine de l’inné alors que les possibles sont du domaine de la conscience.
    Bien sur il est toujours possible et même conseillé de « calculer » une phraséologie, mais ce n’est pas de l’improvisation, c’est une écriture.
    Merci pour votre site très bien documenté.
    w.m

  4. J’ajouterai un commentaire à votre article fort intéressant avec lequel je ne suis pas entièrement d’accord.
    Il faut d’abord faire tomber les a priori sur l’improvisation ( au sens large et pas seulement en musique). Toute improvisation se prépare et ce qui consisterait à vouloir penser que les improvisateurs ont des dons bénis des Dieux est faux ( même si Grappelli a dit: le jazz, tu l’as ou tu l’as pas).
    La musique est un langage et l’on doit d’abord apprendre le vocabulaire et « écouter », « copier » puis formuler ses propres phrases. Après je suis d’ accord et c’est peut être ce que voulais dire Grappelli: il faut avoir un peu d’imagination et le sens de l’équilibre pour retomber sur ses pattes pour sortir des sentiers battus et rebattus.
    Même Bireli ( formation à l’oreille) a dit qu’il fallait suivre essentiellement l’harmonie, qu’il y avait des règles ( peut etre pour mieux s’en écarter, mais bon c’est Bireli!!)
    Donc pour moi le travail de la technique est essentiel , presque obligatoire.
    Après soit on ne peut s’en défaire , soit on évolue.

    je pense qu’il faut se remettre en question et partir dans d’autres directions et de manières de travailler le son.

    1. Merci de vos remarques Michel

      Ce que vous dites est vrai en un certain sens, surtout si je raisonne en tant que prof de guitare ;-)
      Devant un apprenti musicien qui veut apprendre à improviser, il vaut mieux tenir votre discours et mettre en œuvre la méthode que vous préconisez. Il faut avant tout encourager le débutant à oser improviser et lui donner des repères.
      Maintenant, pour devenir un grand improvisateur et ne pas appliquer bêtement des recettes de cuisine, c’est autre chose… Il vaut quand même mieux que les dieux se soient un peu penchés sur votre berceau, croyez-moi ;-)

      Cordialement,

      Jack

      1. Il est important en effet de faire comprendre à l’élève que même doué, il devra travailler.
        Alors oui si on parle de surdoués de l’improvisation, et de musiciens hors du commun c’est un peu la minorité.
        Je prends l’exemple de Bireli qui a commencé à jouer à 4 ans puis n’a cessé juqu’à 13 ans de jouer presque 4 à 10 heures par jour année de son premier album. mais si on écoute c ‘est un peu du django à 90 %, une technique mais pas trop encore de personnalité. Il faut alors du vévu pour que le son se personnalise et que la technique s’efface.
        Pour le commun des musiciens auxquels j’appartiens, amateur, j’ai du passer la barrière de l’impro, le blocage. je remercie Bireli qui m’a donner envie d’improviser en assitant un jour à un de ses concerts à Vienne. j’ai beaucoup appris en écoutant et repiquant puis en analysant harmonie et mélodie. je pense que si on la motivation, il faut quand même un déclic pour passer ce blocage du début.

  5. hello

    Ce site est le plus intelligent et le plus généreux de tous les sites visités jusqu’à ce jour

    Merci

    1. bonjour Lili,

      merci pour ces commentaires qui me font rougir (de plaisir). Comme je suis assez blagueur, je te répondrai « j’espère que tu en as visité beaucoup… » ;-)

      A bientôt

      Jack

  6. merci encore Quentin de ta visite.
    Parler du free-jazz, oui, pourquoi pas ;-) Historiquement au moins, maintenant, on peut en parler.

    A bientôt et bon courage

  7. Chaque page de ce site mérite des applaudissements!(Tu ne m’en voudras pas mais j’ai copié/collé toutes tes pages car dans peu de temps je n’aurais plus internet et j’ai vraiment envie de bosser tout ça cet été
    J’ai hâte de voir cette page « Interpréter une mélodie »
    et est-ce que tu nous parleras du free jazz ou de l’improvisation libre qui est encore autre chose?

  8. Enfin, une explication accessible au brave type qui se lance dans la musique.
    C’est très clair et très enthousiasmant.
    Félicitations.
    Laurent Valere

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