jackguitar

la guitare éclectrique de Jacques Vannet

Jack a dit...

Chute de l’art dans la culture…

Ceux qui se laissent induire, par la respectabilité croissante de la culture de masse, à prendre une chanson populaire pour une œuvre d’art moderne parce qu’une clarinette y fait des couacs, et qui croient qu’un triple accord mêlé de « dirty notes » est atonal, ont déjà capitulé devant la barbarie.

Theodor W. Adorno (1955). Prismes : Critique de la culture et société , Payot

Enrichissement des accords

Développement, usage et enrichissement des accords (3)

Cet article traite de l’enrichissement des accords dans le jazz. Il est destiné à tous les instrumentistes car je ne proposerai pas ici de réalisation des accords pour tel ou tel instrument.

note d’introduction

On enrichit toujours les accords par rapport à un contexte, c’est ce qui rend difficile l’établissement de règles précises et définitives, mais c’est aussi ce qui rend la chose passionnante. Non seulement on prend en compte le contexte musical (ex : l’accord du Vème degré) mais aussi le contexte historique et culturel…

Ce que je veux dire par là, c’est qu’on n’enrichit pas dans le jazz manouche comme dans le bebop ou le jazz modal… Autant les accords altérés sont les bienvenus dans le bebop autant il faut les éviter dans le News-Orleans.

Dans les exemples ci-après, il faut bien comprendre que je ne présente que des exemples confirmés par les plus grands musiciens, et nullement des lois éternelles.

L’accord majeur

On enrichit d’abord avec la 7M. On peut aussi utiliser la 6M, la 9M et la 11#.

Pour les 3 premiers enrichissements, pas de problème particulier, mais pour la 11#, il convient de faire attention sur le I : cette note introduit en effet une notion de polytonalité qui n’est pas toujours souhaitable dans tous les styles…

L’accord mineur

Vous pouvez remarquer que j’ai séparé les accords mineurs des accords m7 car à mon sens, ils n’ont pas la même fonction.

L’accord mineur « ordinaire » est soit I ou IV dans une tonalité mineure. Les 3 enrichissements possibles sont la 6te, la 7m et la 7M. La sixte est souvent employée dans le jazz manouche ou latin, la 7M chez Horace Silver et la 7m peut-être utilisée partout.

A ces enrichissements de base, on peut ajouter la 9M pour obtenir des accords xm9, xm7M9, xm6/9.

L’accord mineur septième

L’accord mineur 7 est II, III ou VI dans une tonalité majeure, IV en mineur harmonique et II en mineur mélodique ascendant.

Les enrichissements possibles sont la 9M (II et V en majeur, IV en mineur harm).

  • Sur III en majeur, la 9M procure un sentiment de bitonalité qui peut être exploité.
  • La 11ème juste peut être utilisée partout (couleur jazz modal).

L’accord m7b5

Pas beaucoup d’enrichissements pour cet accord qui a déjà un son assez « riche » en soi. On peut remplacer la tierce par la quarte, et la 5dim par une 5+.

L’accord de septième diminuée

Pour cet accord instable par excellence, on peut faire évoluer une gamme ton/demi-ton dans les différentes voies.

L’accord de septième

L’accord de 7ème est de loin le plus difficile à traiter correctement en jazz puisqu’on peut le retrouver sur tous les degrés. C’est aussi l’accord qui peut recevoir le plus d’enrichissements…

On divisera notre étude en 2 parties correspondant à 2 cas principaux : l’accord résoud ou pas.

1. L’accord de septième résoud

Si l’accord résoud en majeur (II V I), il peut accepter tous les enrichissements : 9b, 9, 9#, 11#, 13b, 13 (attention cependant au style de musique)

Si l’accord résoud en mineur, il pourra prendre une 9b, 9#, 11#, 13b (faites attention à la gamme mineure utilisée, harmonique, mélodique, naturelle, dorienne).

Dans le jazz manouche, j’entends parfois des 9ème justes qui sonnent très bien sur des cadences mineures (ex : Dm7b5 G9 Cm6)

remarque : quand l’accord est altéré, il peut être plus rapide de le substituer par un septième enrichi mais non altéré situé à la 5b de celui-ci = substitution tritonique

substitution tritonique
Eb9 = A7 altéré :: Ab13 = D7 altéré
2. L’accord de septième ne résoud pas
« Ne résoud pas » signifie que l’accord de septième n’est pas suivi de l’accord de I

Comme enrichissement, on trouve la 9, 11# et la 13. Dans un contexte blues ou dérivé, on peut aussi utiliser la 9#.

Voici un exemple d’accord de septième placé sur II et qui ne résoud pas :

Take The A Train

Dans les suites d’accords qui ne résolvent pas, il faut, bien sûr, penser aux marches harmoniques.
exemple : D7 G7 C7 F7 etc.
Enrichissements dans ce contexte : 9, 11#, 13

Conclusion

Voici le dernier article de cette saga ;-) Je ne pense pas avoir fait le tour de la question tant le sujet est vaste, mais j’espère vous avoir fourni les éléments indispensables à la compréhension de ce sujet passionnant. Le sujet est vaste et si vous souhaitez des précisions, n’hésitez pas à m’écrire.

Les autres articles de la série :

usage et fonction des accords
le développement des accords

40 réponses

  1. Rebonjour Jack,

     

    Je me pose une question sur le développement des accord. Je ne comprends pas quelle logique sous tend le fait d'"étirer" les accords en ajoutant les notes suivant une succession de tierces déterminée par l'accord de départ, jusqu'à revenir à la fondamentale de ce premier accord. Tu dis que cela fournit des notes pour l'improvisation soit, notes qui sont différentes de celles d'une gamme donnée. Mais pourquoi celles-ci en particulier, surtout qu'elles s'éloignent de la tonalité de départ. Cela revient-il à créer de nouvelles gammes à la sonorité significative ? À la limite, on pourrait créer des solos chromatique non ?

    Je ne suis pas certain si ma question est claire. Enfin, merci d'avance.

    Michel

     

    1. Bonjour Michel,

      Question très intéressante mais qui risque de nous entraîner un peu loin ;-)
      Simplement, un son est constitué d’une fréquence fondamentale – qui lui donne son nom – et de partiels (appelés parfois improprement harmoniques) qui sont des multiples entiers de la fréquence du son de départ.
      En clair, ça veut dire que quand tu joues la note Do sur ta guitare, avec elle résonnent une infinité d’autres sons, moins forts, qu’on appelle les partiels de Do. Ces partiels remis dans l’ordre d’une gamme te donnent la gamme majeure actuelle. Et plus tu vas dans l’aigu, plus tu rencontres des notes « bizarres » qui sont celles dont tu parles : ce sont les extensions supérieures des accords usuels ;-)

      J’attends ta prochaine question pour ne pas te noyer sous les informations ;-)
      Musicalement,
      Jack

      Un petit lien Les harmoniques

      1. Salut Jack,

         

        J'ai étudié tout ça et je ne suis pas convaincu (quoi que c'est un bon moyen d'apprendre). Si à cause des lois de l'harmonique certaines notes mises ensemble sonnent bien, l'extension des accords avec une 7e donne aussi des sons qui ne vont pas très bien ensemble. Le meilleur cas est l'extension de l'accord minmaj7 qui donne toutes les notes de la gamme chromatique. Et si on peut jouer la gamme chromatique je ne vois pas l'utilité d'étirer les autres formes d'accord 7e. En plus, un ami jazzman m'a confié qu'il jouait « chromatique ».

        Mais j'ai remarqué tu as mentionné qu'on peut tout jouer sur l'accord minmaj7 mais que ce n'est pas la même chose que jouer chromatique. Peux-tu m'en dire davantage là-dessus, je crois que ça va répondre à ma question

         

        Merci et à bientôt

         

        1. Salut Michel,

          Je ne sais plus où j’ai mentionné qu’on peut tout jouer sur l’accord mineur avec 7ème majeure mais j’assume et j’irai même plus loin : on peut tout jouer sur tout ! Tout est affaire de contexte, de style, de sonorité, de musicalité et de talent. Si tu analyses les impros des grands musiciens de jazz à partir du be-bop, tu constateras ce que je viens de dire ;-) Je ne sais pas ce que ton ami entend par « jouer chromatique », peut-être parle-t-il de l’harmolodie et du free-jazz ? Pour revenir à des choses pratiques, on peut tout jouer sur un accord donné mais la logique des enrichissements par empilages de tierces successives nous indique un ordre préférentiel. Les premiers enrichissements passent facilement tandis que les extensions supérieures sont plus dures à l’oreille. Donc, il faut suivre la logique historique qui a admis progressivement ces enrichissements. A l’époque baroque, on ne se serait pas permis de jouer une 9ème… A partir de Debussy, oui ! Etc. L’oreille de monsieur-tout-le-monde s’est ainsi faite au fil du temps. Donc, il ne faut pas forcer son goût, ça pourrait donner des résultats catastrophiques ;-)

          Salutations musicales
          Jack

          1. Ah je comprend ! C'était pourtant clair dès le début: "s'éloigner progressivement de la tonalité de départ tout en gardant une certaine harmonie". Un truc qui permet d'avoir plus de liberté, de sortir des gammes, sans "se perdre". Génial.

            Un gros merci. Je viens de franchir un grand pas (mais je vais attendre un peu pour l'harmolodie…)

            À la prochaine

            Michel

             

             

  2. Bonjour Jack,

    J’apprend la musique en autodidacte dans mes temps libres et je dois dire que pour avoir beaucoup fouillé sur le net, ton site est le mieux fait. C’est assez fourni sans être assommant, simple à souhait mais sans être enfantin.

    Merci, du Canada

    1. Bonjour Michel du Canada,
      Et merci pour tes paroles qui me vont droit au cœur.
      Profite bien des articles de mon site et si tu as besoin d’éclaircissements n’hésite pas.
      À bientôt
      Jack

    1. Bonjour Gabriel,

      Non, malheureusement (?), pas de site de formation à distance mais il y en a déjà tellement…

      Salutations musicales,

      Jack

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