L’empire du non-sens. L’art et la société technicienne
L’exemple de la musique est emblématique du processus de technicisation de l’art. L’homme moderne n’entend plus ni cigales ni tonnerre, mais des klaxons et des moteurs. De fait, la musique ne produit plus aujourd’hui d’émotions que par le moyen de signaux et de chocs. Jacques Ellul n’hésite pas à l’affirmer : pour lui, la musique moderne n’est pas de la musique mais du bruit, « comme un moteur qui pétarade », sans harmonie ni signification. Le walkman, que l’on adopte par peur d’écouter le silence et de se rencontrer soi-même, déverse une musique permanente, destructrice de relation humaine et créatrice de solitude. Les amateurs de rock sont noyés dans le bruit, perdant tout contrôle sur eux-mêmes, inhibant toute capacité de réflexion et toute volonté personnelle, détruisant leur personnalité. Avec les Rolling Stones, s’impose une « absence de musique au profit du bruit infernal ». Quant à la pop music, elle « est d’abord un produit de la technique », de sorte que la contestation qui se veut radicale s’avère en réalité tout à fait conforme au système technicien sans lequel elle ne peut exister. Enfin, l’apparition de la disco est la confirmation de « l’insignifiance glacée de l’hypnotisme technicien ».
Jacques Ellul
(2007). Jacques Ellul, Une pensée en dialogue
, Labor et Fides (coll. Le Champ éthique, n°48), p. 63-69
2 réponses
Merci d’avoir restituer cette belle leçon sur le (non)sens de(s) la musique(s) mais d’une utilité infinie, selon Léonard Bernstein.
Merci pour lui Françoise.
C’était un grand bonhomme Bernstein. Je vais mettre à jour cet article prochainement car je prépare une conférence à partir de ce texte et je vais l’enrichir encore autour de cette question du sens de la musique.
Jack